Hurlements
Il fait noir et j'ai froid, où suis-je
?
Comment suis-je arrivé ici ?
Et d'ailleurs, quel est cet ici ?.
Tant de questions m'assaillent lorsque
j'ouvre les yeux cette nuit là, allongé sur ce qui me semble être
un tapis de feuilles mortes.
Les nuages dansent avec la lune un
ballet silencieux puis se retirent laissant l'astre de nuit inonder
ma couche de sa froide lumière blafarde. Latmosphère est
lourde et humide. Une violente odeur dhumus me saisit. Je
regarde plus attentivement autour de moi. De vieux troncs à lécorce
usée et centenaire me dévisagent. Leurs longues branches sagitent
lentement et semblent animées dune vie propre. La lune projette
des ombres mouvantes et menaçantes.
Je me redresse avec difficulté. A
perte de vue, une dense forêt mentoure
Mais dans quelle
forêt suis-je donc ? Mon corps est endolori, il est recouvert
de plaies, de griffures. Comment me suis-je blessé ainsi ? Pourtant
hier j'étais... mais où donc étais je hier ? Dans mon village
sûrement ou ma ville, je ne sais plus où j'étais hier avant de
me réveiller ici au milieu d'une forêt qui mest inconnue.
Mais qui peut connaître la forêt à part les animaux qui y vivent
?
Toutes ces incessantes questions
se bousculent dans mon esprit fatigué et me donnent le vertige.
Je me mets à marcher au hasard. Je
tremble. Est ce le froid, la fatigue ou la peur, je ne pourrais
le dire..
Je cherche à comprendre. Seul, de temps en temps,
le déplacement furtif et rapide d'un animal vient troubler le
bruit du vent dans les branches des arbres. Rien ne me permet
de reconnaître l'endroit, mais surtout aucune trace, aucun indice
qui laisse supposer une présence humaine proche. Je lutte pour
empêcher linquiétude semparer de moi au fur et à mesure
que je poursuis cette marche nocturne et solitaire.
Où suis je ? Cette question
sans réponse mobsède et revient sans cesse.
Des bruits de pas attirent soudain
mon attention, le craquement de branches que lon écarte,
un humain enfin. Mieux vaut rester prudent car, après tout, je
ne connais rien de ses intentions. Je me cache avec précaution
derrière un tronc d'arbre assez large pour me masquer totalement
et j'attends l'arrivée de ce promeneur nocturne.
Il apparaît
enfin entre les arbres, il se présente à mes yeux comme une grande
ombre sombre. La stature imposante de cet étrange promeneur mindique
que ce dernier doit être un homme. Un long manteau de laine noire
lenveloppe. Il se dirige droit vers ma cachette comme s'il
avait flairé depuis longtemps ma présence. Pourtant, je me suis
bien caché. Son visage me reste invisible caché par un grand chapeau
noir à larges bords et cela me rend nerveux. Mes muscles se tendent.
Je réprime un petit cri de douleur et je me prépare à bondir à
tout instant.
« Je t'attendais », me
dit l'homme d'une voix douce et réconfortante. Lapparition
sest arrêtée à quelques mètres de moi. Sa voix me calme
et mapaise. Elle me donne irrésistiblement envie de lui
faire confiance.
« Cela fait quelques jours déjà
que je suis dans cette forêt à t'attendre, tu as plus tardé que
je ne l'avais prévu, mais je ne suis pas parfait, il m'arrive
de commettre des erreurs. »
Je sors de ma cachette.
- Mais qui êtes vous ? Où suis-je
? Et comment saviez-vous que j'allais venir alors que je ne sais
même pas comment je suis arrivé ici ?
- Que de questions, mais j'y suis
habitué ! On m'appelle le Veneur pour répondre à ta première
question, et je suis disons le guide d'une troupe de troubadours
et amuseurs publics qui parcourent les routes de France. Comment
savais-je que tu allais venir ? Et bien, c'est un de mes secrets,
je ressens l'arrivée des éveillés, mais tu l'apprendras au fil
des années. Par contre, pour ta dernière question, je n'ai pas
de réponse, tu es tout simplement venu ici par tes propres moyens,
c'est tout ce que je puis te dire. Il reste cependant une question
que tu ne m'as pas encore posé et cela m'étonne car d'habitude,
les nouveaux éveillés ne manquent pas de me la poser, quel est
ton nom éveillé ?
- Je me nomme ... heu... ! Je ne
sais plus ! ! ! Comment est-ce possible ?
Je ne me souviens plus de mon nom, c'est horrible, que m'est il
arrivé ... ?
- Ne t'inquiètes pas, nous te trouverons
un nom. D'ailleurs, il est temps de rejoindre la caravane. Suis
moi !
Je ne pourrais dire pourquoi, mais
jemboîte sans hésiter le pas de ce mystérieux individu,
je me sens en sécurité près de lui, mais de quelle caravane parle
t'il et pourquoi me nomme t'il « éveillé » ?
Après une vingtaine de minutes de
marche dans la forêt, j'aperçois une lueur entre les arbres. Je
perçois des rires et des chants, nous continuons à avancer, nous
entrons dans une clairière où se tiennent une dizaine de roulottes
rangées en cercle autour d'un feu. Autour de ce dernier s'activent
des hommes et des femmes, certains chantent, d'autres jonglent,
la plupart boivent et rient.
Alors que nous pénétrons dans le
cercle des roulottes, les rires et les bavardages sinterrompent
et tous les yeux me fixent. Le Veneur se place près du brasier
et s'adresse à l'assemblée :
« Chers
camarades, je vous présente un nouvel arrivant au sein de la caravane,
un nouvel éveillé, j'espère que vous l'accueillerez comme vous
même vous avez été accueillis. Son nouveau nom est Jean. »
« Bienvenue jean », répond l'assemblée aux paroles
du Veneur.
Les visages sont tous souriants et
les regards posés sur moi accueillants, puis le cercle se resserre
et les premières embrassades commencent, je ne sais où donner
de la tête, j'embrasse, je sers des mains, ils sont tous si gentils
et amicaux.
Je ne sais pas encore qui ils sont
et ce qu'ils font mais je sais déjà au plus profond de moi que
je vais rester parmi eux très longtemps...
Jean, 1042-...