Le Caméléon
« Il existe des êtres
doués
d'une intelligence supra-normale,
des génies possédant entre
autres la faculté d'assumer
n'importe quelle identité.
En 1963, les chercheurs
d'une entreprise appelée Le
Centre
ont mis en isolement un de
ces êtres,
un jeune garçon nommé JAROD
et exploitèrent son génie pour
des recherches secrètes.
Mais un jour le « Caméléon »
leur échappa........ »
Ce texte, préambule à chaque
épisode de la série, a le mérite de parfaitement poser le décor.
Le héros principal, Jarod, a été enlevé à ses parents alors qu'il
n'était encore qu'un tout jeune enfant. Il a été kidnappé par
une mystérieuse organisation appelée « Le Centre »,
qui a détecté en lui un génie potentiel. En effet, Jarod montre
d'étonnantes dispositions intellectuelles qui font de lui un « caméléon ».
Le Centre décide alors de
l'éduquer en vase clos : son univers se limite au Centre et à
quelques uns de ses employés (Sydney qui se charge de son éducation,
Mlle Parker qui est la fille d'un des responsables du Centre et
Angelo, lui aussi enlevé à ses parents par le Centre). Le but
de lorganisation est d'utiliser Jarod pour des « simulations ».
Lors de ces dernières, Jarod se fond totalement dans un personnage
et dans une situation donnée : les résultats sont alors identiques
à ce qui se serait passé dans la réalité.
Tout se déroule (presque) sans
accrocs, jusqu'au jour où, âgé d'une vingtaine d'année, Jarod
découvre que les simulations, contrairement à ce que lui faisait
croire le Centre, n'ont pas toutes un but humanitaire : attentats,
assassinats, manipulations, etc. Jarod décide alors de s'évader
du Centre et part en quête des êtres qui lui ont tant manqué :
ses parents. Et par là même il va partir à la découverte d'un
monde extérieur qu'il ne connaît pas. Bien évidemment, le Centre
ne l'entend pas de cette oreille et traque Jarod sans répit pour
le ramener en son sein.
Le
déroulement de la série est donc classique :
¨
Une trame principale : Jarod
cherche ses parents et le Centre cherche Jarod.
¨
Des intrigues secondaires se
déroulant dans le Centre (Mlle Parker qui recherche les raisons
de la mort de sa mère, etc)
¨
Une intrigue propre à chaque
épisode : traumatisé par les mauvais actes que lui a fait commettre
le Centre, Jarod cherche à aider les personnes victimes d'une
injustice. Il recherche les coupables et les place dans la même
situation que leur victime (principe de « l'arroseur arrosé »).
Si je navais le droit
quà un seul adjectif pour décrire cette série, je dirais
« bienfaisante ». En effet, le personnage de Jarod est
lincarnation même de la bonté. Son immersion dans notre
monde cruel et sa lutte contre le Centre lui ont apporté quelques
traits de caractère presque cruels à certains moments, mais, outre
que cela contribue à rendre le personnage plus réaliste et plus
riche, cela nentame en rien sa bonté et sa bonne humeur.
Car cest bien cela que représente Jarod : lenfant
généreux et soucieux de remédier aux problèmes dautrui
que nous étions mais que la société des adultes a fini
par tuer en nous. Jarod nest donc pas un justicier « ordinaire ».
Contrairement à un Zorro faisant le bien davantage pour tromper
lennui de son existence dorée que pour des motivations profondes,
Jarod fait le bien parce quil est encore
un enfant. Son côté adulte se développe parallèlement à son côté
enfantin, et non pas à son détriment.
Autre originalité de la série : le trio Miss Parker
/ Sydney / Broots. Ces personnages, qui font partie du Centre
(censé représenté la technocratie aveugle et le complot des puissants),
effectuent un véritable travail de conscience par rapport à leur
mystérieux employeur et finissent par prendre du recul par rapport
à leur hiérarchie, agissant de plus en plus en franc-tireurs.
Ces trois personnages sont basés sur des contradictions intérieures :
Sydney, ancien « bourreau » de Jarod et qui sest
finalement attaché à ce dernier ; Broots linformaticien
génial mais trouillard qui se transforme à la vue de sa petite
fille; et surtout Miss Parker (qui semble ne pas avoir de prénom !)
qui continue à travailler pour une organisation dont tout indique
quelle a tué sa mère et qui ne sait à quoi sen tenir
avec son père (qui est aussi son supérieur hiérarchique).
Malgré lapparent manichéisme de la série (le
héros justicier qui lutte contre linfâme organisation qui
la kidnappé), tous les personnages sont nuancés. Même le
terrible Dr Raines, le plus cruel lieutenant du Centre, est capable
de compassion (Cf. lépisode où il tente de sauver sa fille
atteinte dun cancer).
Quant à la construction de la série, elle est classique
et éprouvée : une trame générale (Jarod recherche sa mère)
et un complot (les agissements du Centre) entremêlés avec des
« intrigues libres » (où Jarod vient secourir la veuve
et lorphelin). Tout comme dans X-Files, seuls certains épisodes clés font
progresser le héros dans sa « Quête du Graal ». Les
créateurs de la série en profitent pour éprouver les personnages
et nous révéler ainsi une part de leur vérité. Lévolution
des personnages est excellente car souvent inattendue, comme par
exemple Lyle qui passe du statut de tueur « anonyme »
à celui de second rôle majeur et (presque) sympathique.
Enfin, je souhaite rendre un hommage particulier à
Sam (le nettoyeur en chef de Mlle Parker) : un personnage
darrière-plan que je trouve excellent et qui, je lespère,
sera davantage exploité dans les saisons à venir.
Abordons
la deuxième partie de cet article : comment exploiter les éléments
de cette série dans un jeu de rôle ?
Autant être clair tout de suite : adapter tel quel
l'univers de cette série à un jeu de rôle est infaisable
Par contre, il y a matière à inspiration pour le MJ.
Le Centre n'est pas adaptable tel quel, mais on peut
en retenir le principe et l'organisation et la transposer à un
univers. Les plus évidents sont les univers contemporains et futuristes
(le Centre pourrait être une corpo agissant dans l'ombre). Mais
pourquoi pas aussi en médiéval-fantastique, où le Centre serait
une mystérieuse guilde qui kidnappe les enfants surdoués pour
mener à bien des projets secrets. Un PJ pourrait même être issu
d'une telle organisation et être employé ou pourchassé par elle.
Le Centre peut aussi servir d'employeur pour les PJs : cherchez
alors à plonger les PJs face à des situations « cas de conscience ».
En plus de la trame du scénario, les PJs seraient amenés à s'interroger
sur les motivations et la moralité de leur employeur (façon Miss
Parker). Dans tous les cas, n'hésitez pas à mettre en valeur ce
qui fait le « charme » du Centre (triumvirat anonyme,
niveaux souterrains secrets, équipes de nettoyeurs concurrentes,
).
Les personnages de la série peuvent être à la base
d'excellents PNJs, et ce pour tout type d'univers. Je me permets
de citer Mathias qui disait il y a peu : « Miss Parker ferait
une excellente Tremere à Vampire ».
Je vous recommande particulièrement des personnages ambigus comme
Lyle ou Brigitte (NDA : quelle s
.e celle-là !) ainsi que
l'immonde Dr Raines (dans le rôle du salaud intouchable
et increvable !).
Enfin, dernière source d'inspiration mais non la moindre
: cette série est exemplaire dans la façon où elle fait évoluer
les personnages. Prenez-en de la graine : rapports conflictuels
entre Mlle Parker et son père / supérieur hiérarchique, suspicions
fondées ou infondées entre les personnages (« Ne faites confiance
à personne », mais là c'est une autre série, je m'égare).
Tout comme dans cette série, faites jouer à fond les liens familiaux
(qui sont plus « liens » que « familiaux »)
et les PNJs inhumains mais en apparence seulement (Miss Parker
au début de la série ou Sydney à la fin de la 3ème
saison).
Bref,
rien que des recettes classiques mais parfois oubliées de nos
MJ préférés. Alors, meneurs ou joueurs, installez-vous devant
Le Caméléon et glanez-y quelques bonnes idées pour peaufiner vos persos
ou votre