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THE WORLD IS NOT ENOUGH

 

Les aventures de l'agent secret britannique James Bond sont depuis longtemps le fruit d'une recette parfaitement définie et éprouvée dont il paraît impensable de modifier, ne serait ce qu'un tant soit peu, un ingrédient ou son dosage.

Ce principe de codification touche d'abord le domaine de la conception artistique autant d'un point de vue publicitaire avec le design volontairement un peu fouillis de l'affiche et le titre même du film - qui tend de plus en plus vers l'autoparodie : GoldenEye / Goldfinger, Tomorrow never dies / Diamonds are forever -, que cinématographiquement avec l'utilisation du thème musical mondialement connu, un générique - dans lequel se meuvent lascivement des silhouettes féminines légèrement vêtues - dont le style et l'esthétisme si particulier furent imposés par leur créateur Maurice Binder, et l'interprétation de la chanson-phare, aux accents du thème bondien et largement diffusée par les radios, par le dernier groupe musical à la mode.

Quant à la structure du film, cette dernière obéit invariablement au schéma suivant : l'ouverture à travers le canon, un prégénérique constitué par une scène de bravoure spectaculaire introduisant la future histoire, le générique et le film à proprement parler.

Enfin, le scénario et son déroulement respectent soigneusement certains critères et codes : 

Souvent rocambolesque et totalement improbable, le scénario doit promener le spectateur aux quatre coins du monde dans des décors exotiques, dépaysants et toujours magnifiques. Il réserve, entre autres, des scènes d'action aussi inventives qu'explosives, un méchant richissime, mégalomane et souvent sadique, une confrontation finale avec explosion de la base secrète comme apothéose.

Tout est fait pour que le spectateur puisse immédiatement identifier les aventures de 007.

Force est de constater d'ailleurs que depuis Docteur No, ces dernières ont évolué. Certains le regrettent, d'autres s'en réjouissent mais le 007 interprété par Sean Connery, dur, cynique, méchant, a depuis bien longtemps disparu, tout comme les scénarios d'espionnage plus ou moins réalistes. D'une version adulte, les aventures de l'agent du MI-6 et le personnage même ont été édulcorés pour toucher un plus large public composé d'enfants et adolescents. La violence inutile est dorénavant bannie, Bond ne tue jamais d'innocents et ne fume plus pour montrer l'exemple à la jeunesse… Mais après tout, ces modifications ont aussi leur charme car devant la mode actuelle plutôt violente (voire ultra violente), les péripéties bondiennes ont un peu coté suranné, pas déplaisant.

 

LE RETOUR AUX SOURCES : L'époque DALTON

Thimothy Dalton avait accompli, le temps de deux films, un retour aux sources avec des intrigues plus réalistes et plus crédibles. Se voulant plus proche du personnage de Fleming, James Bond était de nouveau plus dur et cynique. Dans de rares et courtes séquences, on le voyait même fumer.

A mon sens, Dalton est le meilleur interprète du rôle depuis Sean Connery – du moins le plus proche du personnage original - et The Living Daylights le meilleur scénario depuis From Russia with love.

 

UN NOUVEAU DEPART : L'époque BROSNAN

La reprise du rôle par Pierce Brosnan introduit obligatoirement des modifications dans la personnalité de Bond. Brosnan interprète un 007 plus nuancé capable d'être autant un tueur sans état d'âme (la mort d'Alec Trevelian dans GoldenEye) qu'un véritable gamin s'amusant avec les gadgets du service Q (la scène du parking avec la BMW télécommandée dans Tomorrow never dies). Cette nouvelle personnalité de Bond est renforcée par l'aspect physique même de l'acteur, compromis entre la dureté de visage de Dalton et les traits assez falots de Moore – dont le seul jeu d'acteur se résumait à des roulements d'yeux -. Certains pourront toujours reprocher le coté " gravure de mode " un peu appuyé de Brosnan mais ne pourront cependant nier la classe fulgurante de ce dernier.

Par ailleurs, les aventures et l'univers de 007 subissent un sérieux « lifting » : 

Pour la première fois, les scénarios sont totalement originaux et ne s'appuient plus sur les romans et nouvelles de Fleming. Si l'intrigue de GoldenEye, abracadabrante, truffée d'incohérences, rappelle plutôt l'époque Roger Moore, le scénario de Tomorrow never dies se place plutôt dans la lignée Dalton.

Concernant les personnages secondaires, une nouvelle et  troisième Moneypenny entre en scène (mieux adaptée physiquement au rôle que l'actrice choisie pour la période Dalton). Suite au départ de son prédécesseur, M est dorénavant une femme (excellente idée et excellente actrice qu'est Dame Judi Dench) qui, dans GoldenEye, n'hésite pas à traiter Bond de « dinosaure de la guerre froide ». L'agent de la CIA Félix Leiter (à moitié dévoré par un requin dans Licence to Kill) laisse sa place à Jack Wade (Joe Don Baker qui joue aussi le marchand d'armes dans Living Daylights). D'autres personnages secondaires font régulièrement leur apparition (dont le truculent Robbie Coltrane dans le rôle de Valentin Zukowski). La continuité s'opère par contre avec Desmond Llewelyn dans le rôle de Q ; ce dernier est apparu dans tous les épisodes de la série sauf Live and let die. L’acteur vient de décéder récemment.

Signe d'un changement des mœurs et des mentalités, la place et le rôle dévolue aux James Bond's Girls commence à évoluer avec l'époque Dalton, évolution confirmée avec l'arrivée de Pierce Brosnan. Tant en gardant leur féminité, les James Bond's Girls ont maintenant des rapports d'égal à égal avec Bond. Terminée l'image de la « faible femme » prête à tomber dans les bras de 007 pour y trouver défense et réconfort, qui convenait surtout à la période Sean Connery, les new James Bond's Girls ne manquent pas de tempérament, ni de caractère. Elles exercent des métiers habituellement réservés aux hommes (une informaticienne dans GoldenEye, un agent secret dans Tomorrow... et une physicienne nucléaire dans le dernier) et peuvent même se révéler des adversaires redoutables.

John Barry, le compositeur attitré de la série, qui déclina le thème de Monty Norman sous toutes les orchestrations musicales possibles, laisse sa place à Eric Serra (lamentable) pour GoldenEye. Fort heureusement, la musique des deux suivants est signée par le talentueux David Arnold qui semble donc devenir le nouveau compositeur attitré.

L'époque Brosnan semble aussi sonner le glas des obscurs mais consciencieux techniciens au poste de Metteur en Scène. Si pour l'instant les producteurs se refusent encore à engager des personnes de premier plan (comme Brian de Palma et John Woo pour Mission Impossible), Roger Spottiswoode réalise Tomorrow never dies et Michael Apted est aux commandes du dernier.

 

Venons en justement au dernier : The World is not enough.

C’est le 19ème Bond officiel de la série et le troisième pour Pierce Brosnan.

Le scénario est, dans une veine plutôt réaliste, une véritable réussite. Il utilise, pour notre plus grand bonheur, toutes les références et codes propres au mythe : de la poursuite à ski au final sous-marin, de la scène du casino à la vodka Martini (au shaker et non à la cuillère), de la montre lance-grappin à la voiture totalement trafiquée, rien ne manque – sauf justement une véritable poursuite de voitures -.

La seconde force de ce scénario est de parvenir à réactualiser et à redonner une nouvelle jeunesse à des scènes déjà (maint fois pour certaines) exploitées car rares, en effet, sont les situations jamais utilisées dans d’autres “ épisodes ” de la série.

Enfin, The world is not enough sait se jouer et détourner certaines règles établies pour mieux nous étonner et nous surprendre : les deux méchants totalement atypiques, particulièrement Renard qui n'est autre qu'un vulgaire terroriste dont la seule motivation est... l'amour, le prégénérique, plus long que d’habitude et en 2 mouvements, le rôle en premier plan de M.

Les scènes d'action, au nombre de six, sont bien rythmées et les deux James Bond’s Girls dans un style différent, sont parfaites.

La scène où Q s’éclipse revêt, suite aux récents évènements, un caractère emblématique et prémonitoire.

Quant à Pierce Brosnan, il devient meilleur de film en film. Il semble avoir atteint une sorte de maturité et s'être enfin approprié le rôle. Il campe un Bond à la fois plus sensible dans sa relation avec le sexe opposé (à l'antithèse du machisme de Sean Connery) mais aussi plus glacial avec ses ennemis, n'hésitant pas à abattre froidement le chef de la sécurité Davidov puis Electra King. Cependant, il garde toujours un solide sens de l’humour.

Lorsque le générique de fin se déroule sur l’écran, nous en sommes convaincus, Pierce Brosnan EST James Bond.

 

Rassurons nous et soyons patients car JAMES BOND WILL RETURN

 

 

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